vendredi 29 juillet 2011

Biutiful


Barcelone, 2009. Le gris flottant de la ville enrobe les vies grouillantes des quartiers les plus tristes. Biutiful suit le lent effondrement d'un d'homme victime parmi les victimes de la mondialisation. Le tableau est noir et l'humanité boite. Inarritu filme avec vraisemblance et talent l'opacité malsaine d'une jungle urbaine sans concessions.
On a reproché au réalisateur d'avoir discrédité le propos du film en noyant le scénario de misérabilisme. Or tout le génie du long métrage repose justement sur la tragique fragilité des destins. Uxbal, le protagoniste a en effet tout le poids du monde sur ses épaules et même celui des morts mais ce n'est pas tant l'approche sociétale qui est importante, c'est plutôt le questionnement philosophique qui va avec. Chaque scène interroge l'humain dans toute ses contradictions. C'est cette matière qui a permit à l'acteur de construire un personnage d'une rare densité et d'une force dramatique saisissante.
La poésie et la beauté-laide des images rejoint les thématiques prenantes du film ; la paternité, la solidarité, la mort, le destin de chaque homme sur terre. Biutiful remue notre être tout entier, nous met les pieds sur terre et la tête à l'envers, c'est un bouleversement.

dimanche 24 juillet 2011

Horizon musical


"Couleurs vocales" ... un beau titre imagé qui trouve ici son apogée. Les mélanges culturels dénotent musicalement à travers des sonorités de voix bariolées et d'instruments très différents, et artistiquement avec une réelle réflexion sur l'hybridité des créations contemporaines locales.
Le livret de Denis Pourawa est chanté avec poésie. Ses mots mélancoliques et fraternels sont les chants des hommes. Ils se livrent avec pudeur. Un métissage des genres réussi !

Les spectateurs n'ont pas été au bout de leurs surprises lorsque 150 musiciens venus d'horizons multiples (Japon, Australie, Calédonie, métropole ...) se sont serrés en deuxième partie sur la scène pour interpréter avec générosité et maestria le Carmina Burana de Carl Orff.

Ce spectacle porte décidément bien son nom car le vrai frisson se fit sentir avec la découverte de l'immense palette de couleurs vocales. Un voyage musical qui a transporté la salle sur des rives encore inconnues.

mardi 5 juillet 2011

Ouvéa






Mes quelques jours à Ouvéa avec le Chapitô furent plus qu'un simple voyage mais une véritable initiation à la vie, une expédition sur des rives humaines insoupçonnées. Récit.

La terre qui nous a accueillie, l’équipe du Chapitô, les artistes et moi, a une histoire particulière. Le genre d’histoire qui ne fait pas toujours plaisir à entendre. Une histoire de guerre, de sang et de cris de rage. Nous sommes en 1988, le climat politique est tendu, de violents affrontements vont opposer un groupe d’indépendantistes et les représentants de l’ordre français de l’île. Représailles, prise d’otages et exécutions marqueront à jamais les esprits d’Iaai.

Fouler la terre électrisée par de tels évènements n’est jamais facile. J’ai ressenti une angoisse assez palpable ; quels liens peut-on espérer ? les pensées ont-elles évoluer ? Sans aller jusqu’à la peur, l’appréhension était tout de même présente. Pendant que le soleil disparaissait doucement dans une lumière dont le pacifique sud a le secret, le Chapitô et la tribu de Gossanah ont échangé la coutume d’arrivée. Et c’est à ce moment précis, à cette rencontre inaltérée, simple et précieuse entre deux êtres, deux cultures que la magie humaine a opéré…

Nous avons été reçu avec une belle générosité. Les partages furent riches en apprentissage et en transmission. La parole a circulée tout autour du Chapitô, figure vecteur de rencontres. Pendant qu’un jeune racontait son périple pour le tournage de L’ordre et la morale à Tahiti, un autre groupe aidait les techniciens à monter les projecteurs sur les ponts lumières. Ainsi passaient les journées sur le grand terrain de foot de la tribu ; entre partie de volley, atelier théâtre avec les enfants, spectacles évocateurs de l’identité du pays, bougnats poulet et coco germées et pour finir des moments d’échange artistique et culturel rares.

Si le destin de la Nouvelle Calédonie reste incertain et que l’on ne peut décidément pas compter sur les politiques du pays pour arranger les choses, nous pouvons réellement faire confiance au peuple et aux artistes de cette terre qui construisent ensemble tous les jours l’avenir.