De rives en naissances
Le Centre culturel Tjibaou propose depuis le 27 juin et
jusqu’au 30 septembre, l’exposition Dialogues
d’outre-monde. À
l’intersection des arts, au sommet des plus beaux élans de création, accrochée
aux rivages des peuples, cette exposition nous amène loin de nous, jusqu’au
bout de soi. Voyage atemporel…
Le
projet a été imaginé et porté par Peggy Bonnet Vergara avec le soutien de
l’association Kassiopée. Il est également patronné par le programme
«Rabindrânath Tagore, Pablo Neruda et Aimé Césaire pour un universel réconcilié
» de l’Unesco qui célèbre le dialogue entre les arts et les cultures. La
création s’est ainsi articulée autour du portfolio Annonciation, constitué de neuf eaux-fortes de Wifredo Lam et de
dix poèmes d’Aimé Césaire. Deux immenses artistes auxquels il est difficile de
se confronter tant leurs oeuvres sont imposantes. C’est donc avec émotion et
considération que Paul Wamo et
Teddy Diaïké ont su se river à leurs pères. Un travail profond qui prend sa
source aux pieds des volcans des
Caraïbes. Cette exposition n’apporte pas seulement une vision historique de la
négritude et de la culture du métissage. Elle contribue aussi à vivifier le
débat en d’autres lieux, ancrés dans la contemporanéité calédonienne, à
comprendre universelle. Au-delà des espaces géographiques et temporels, la
parole se véhicule au travers des oeuvres.
Le pont des artistes
Le
dialogue est cosmique, tissé dans les fibres de l’humanité. La transversalité est totale :
d’un océan à l’autre, des mots aux pinceaux, des générations passées à celles
du présent. Ils viennent de Martinique, de Cuba et de Nouvelle-Calédonie. Ils
sont peintre, poète, graveur. Soixante-huit années, le destin et la mort les
séparent et pas moins de quinze mille kilomètres dissocient leurs pays.
Pourtant, ils sont ensemble aujourd’hui, réunis dans la salle Komwi du Centre
Culturel Tjibaou. La poésie de Paul Wamo danse en rythme avec les corps
mythiques, habitants des eaux-fortes de Wifredo Lam. Quant aux traits
majestueux jaillis du stylo de Teddy Diaïké, ils se meuvent avec organicité
entre chaque ligne frappée des mains d’Aimé Césaire. Ces « insolites bâtisseurs » construisent leur
monde pavé d’utopies, peuplé de révoltes et ouvert sur l’ailleurs. Si les oeuvres de Wifredo Lam comme celles d’Aimé Césaire se caractérisent par une
extériorisation de la douleur et une revendication de décolonisation
culturelle, on ressent plus, chez les artistes kanak, le désir d’un dépassement
de soi, d’une conquête du renouveau. C’est notamment en faisant ce retour vers
leurs aînés, puis en prenant le temps nécessaire pour se réapproprier leur
héritage, que les deux jeunes artistes ont pu ensuite s’en détacher afin de
suivre leur propre chemin. Aimé Césaire disait « Vous avez bien entendu :
c’est le voyage jusqu’au bout de soi qui nous fait découvrir l’ailleurs et le
tout ». Et lorsque Paul Wamo
s’empare de l’esthétique surréaliste, c’est pour mieux inscrire l’oralité de
ses mots et contribuer ainsi aux renouveaux artistiques du pays. On retiendra le message d’espoir porté
à l’unisson par les quatre
artistes, celui de continuer à se battre pour l’avènement d’une ère nouvelle,
d’une humanité meilleure.
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