mardi 24 juillet 2012

De rives en naissances


Le Centre culturel Tjibaou propose depuis le 27 juin et jusqu’au 30 septembre, l’exposition Dialogues d’outre-monde.  À l’intersection des arts, au sommet des plus beaux élans de création, accrochée aux rivages des peuples, cette exposition nous amène loin de nous, jusqu’au bout de soi. Voyage atemporel…  


Le projet a été imaginé et porté par Peggy Bonnet Vergara avec le soutien de l’association Kassiopée. Il est également patronné par le programme «Rabindrânath Tagore, Pablo Neruda et Aimé Césaire pour un universel réconcilié » de l’Unesco qui célèbre le dialogue entre les arts et les cultures. La création s’est ainsi articulée autour du portfolio Annonciation, constitué de neuf eaux-fortes de Wifredo Lam et de dix poèmes d’Aimé Césaire. Deux immenses artistes auxquels il est difficile de se confronter tant leurs oeuvres sont imposantes. C’est donc avec émotion et considération  que Paul Wamo et Teddy Diaïké ont su se river à leurs pères. Un travail profond qui prend sa source  aux pieds des volcans des Caraïbes. Cette exposition n’apporte pas seulement une vision historique de la négritude et de la culture du métissage. Elle contribue aussi à vivifier le débat en d’autres lieux, ancrés dans la contemporanéité calédonienne, à comprendre universelle. Au-delà des espaces géographiques et temporels, la parole se véhicule au travers des oeuvres. 

Le pont des artistes

Le dialogue est cosmique, tissé dans les fibres de l’humanité.  La transversalité est totale : d’un océan à l’autre, des mots aux pinceaux, des générations passées à celles du présent. Ils viennent de Martinique, de Cuba et de Nouvelle-Calédonie. Ils sont peintre, poète, graveur. Soixante-huit années, le destin et la mort les séparent et pas moins de quinze mille kilomètres dissocient leurs pays. Pourtant, ils sont ensemble aujourd’hui, réunis dans la salle Komwi du Centre Culturel Tjibaou. La poésie de Paul Wamo danse en rythme avec les corps mythiques, habitants des eaux-fortes de Wifredo Lam. Quant aux traits majestueux jaillis du stylo de Teddy Diaïké, ils se meuvent avec organicité entre chaque ligne frappée des mains d’Aimé Césaire.  Ces « insolites bâtisseurs » construisent leur monde pavé d’utopies, peuplé de révoltes et ouvert sur l’ailleurs. Si les oeuvres de Wifredo Lam comme celles d’Aimé Césaire se caractérisent par une extériorisation de la douleur et une revendication de décolonisation culturelle, on ressent plus, chez les artistes kanak, le désir d’un dépassement de soi, d’une conquête du renouveau. C’est notamment en faisant ce retour vers leurs aînés, puis en prenant le temps nécessaire pour se réapproprier leur héritage, que les deux jeunes artistes ont pu ensuite s’en détacher afin de suivre leur propre chemin. Aimé Césaire disait « Vous avez bien entendu : c’est le voyage jusqu’au bout de soi qui nous fait découvrir l’ailleurs et le tout ».  Et lorsque Paul Wamo s’empare de l’esthétique surréaliste, c’est pour mieux inscrire l’oralité de ses mots et contribuer ainsi aux renouveaux artistiques du pays.  On retiendra le message d’espoir porté à l’unisson par  les quatre artistes, celui de continuer à se battre pour l’avènement d’une ère nouvelle, d’une humanité meilleure.           
                                                                                                                                                   

vendredi 15 juin 2012

Le slam de la nouvelle scène


Spectacle inédit, Slam Circus s’est révélé au grand public les 14, 15 et 16 juin au Centre Culturel Tjibaou.  Sur la scène de la salle Sisia, slameurs et musiciens ont tout donné : leur complicité, leur amour pour les mots et la musique, leur force et leur passion. Concert d’un nouveau genre.

En première partie de la soirée, les jeunes slameurs du Rex ont investi avec assurance les planches pour déclamer les textes de leur composition. Porté par une belle mise en scène signée Dominique Jean, Slam Play ouvre l’espace de la parole avec des jeunes engagés, responsables mais surtout très doués. Inquiets pour leurs cadets, dénonçant sans complaisance la société dans laquelle ils grandissent, ces slameurs en herbe ont des choses à dire. Avec toute la sincérité du monde, dépouillés d’artifices, leurs textes contiennent toute leur vérité. Une première partie  revigorante dont on retiendra les appels à notre conscience d’adultes mais aussi le message d’espoir et de confiance quant à l’avenir.  Comme son frère le rap, le slam « s’encre » dans une réalité universelle qu’il s’empresse de délivrer à travers ses mots. Slam Circus est un projet porté par le Centre Culturel Tjibaou qui a su comprendre cette urgence en donnant la possibilité à plusieurs artistes de se rencontrer pour travailler ensemble.

 N’est rouge que le mot

Sur scène : quatre musiciens et quatre slameurs, entre notes et rimes, rythmes et lyrismes, bambous tempérés et verve inspirée, la partition est commune comme le message qu’ils véhiculent. À travers leurs diverses expressions, les artistes invitent les spectateurs à réveiller l’humanité. « Mesdames et messieurs nous vous souhaitons la bienvenue en terre des hommes ». Les paroles sont saillantes sans jamais d’amertume. Poésie et humour sont les balles de ces saltimbanques du verbe qui jonglent avec virtuosité : jeux de mots, jeux de rythmes, inventions, vitesse, « virelangues » et pirouettes, des prouesses du langage simplement renversantes.  Rouda et Lyor, issus du collectif de slameur 129H, ont parcouru les 22 000 kilomètres les séparant de la Nouvelle-Calédonie pour échanger leurs slams avec les calédoniens. Leur valise pleine de mots est passée de mains en bouches jusque sur la scène. Élément de scénographie à part entière, la valise se transforme tout au long du spectacle. D’abord représentée comme le symbole de la rencontre, elle est ensuite le savoir que l’on transmet, le piédestal pour les plus jeunes, puis l’âtre d’un feu de bois autour duquel on se réchauffe. Les images sont belles, grâce notamment aux animations graphiques en 3D projetées en « mapping » sur des structures en relief de Nicolas Molé.  À la fois poétique et politique le spectacle est aussi visuel que musical.  Sans parler des énergies qui animent chaque slameur dans leur interprétation. Paul Wamo transcende l’espace avec la présence éveillée d’un homme qui regarde devant lui.  Le pays n’est jamais loin. Il est même sous leurs pieds, la scène de toutes les rencontres.

Léna Quillier

samedi 7 janvier 2012

Pieds nus sur l'humanité

« Art public par excellence, le théâtre, qu'il le veuille ou non, exerce une fonction politique ». Désert s'inscrit volontairement de part sa forme et son propos, dans une démarche engagée. Le spectacle propose, dans un mouvement perpétuel de création, d'explorer avec sensibilité les espaces infinis de la société calédonienne.

Lorsque qu'Augusto Boal créé le théâtre de l'opprimé il a la profonde conviction que le théâtre peut provoquer le public à une réflexion active sur la société et sur le monde qui l'entoure. Désert tente d'impliquer ses spectateurs comme Boal engageait son public à jouer lui même des personnages de son quotidien pour révéler les situations d'oppression.

Afin de permettre au public de s’investir dans l’œuvre, un dialogue est ouvert après chaque représentation, encourageant les échanges quels qu'ils soient, politiques, artistiques ou même idéologiques. Un blog a également été créé (http://creadesert.unblog.fr/) pour que tout le monde puisse exprimer son opinion sur la création, participer à la mise en scène, partager ses idées. Une expérience que la metteuse en scène et comédienne, Anne-Sophie Conan appelle spectacle "participatif" ; ne pas laisser le public passif, provoquer les réactions, lancer le débat, soulever les questionnements,le spectateur est invité à s'impliquer et à critiquer.

Le théâtre engagé est censé être près du peuple en mêlant l’avant-garde artistique et l’avant garde de la militance politique expliquait le sociologue Pierre Bourdieu. Comment s’engager, s’inscrire dans une cause, intervenir au près du public, le faire participer sans négliger le champ artistique ? La fonction politique du théâtre engagé peut-elle être nuisible à la qualité artistique du spectacle ? C’est ainsi qu’accompagnés de ces questionnements, les trois acteurs (Anne Sophie Conan, Richard Digoué et Paul Wamo) et l’auteur (Luc Camoui) se sont lancés dans l’aventure. L’œuvre est volontairement en chantier, le spectacle en construction. Il évolue au fur et à mesure des représentations et des rencontres avec le public. Ce processus peut être la condition pour que le spectacle ne s’enferme pas dans des cases définies (théâtre engagé ? œuvre artistique ?) et réponde à une force et une qualité que l’échange avec le public peut certainement apporter.

Désert met en lumière les interrogations de trois personnages différent les uns des autres qui vivent avec leur propre parcours et leurs propres origines sur la même terre. Difficile de s’entendre et d’imaginer un « destin commun » lorsque les différences apparaissent si criantes. Le spectacle, à travers l’identité de ses trois comédiens, illustre la situation socio-politique actuelle en Nouvelle Calédonie. La scène d’exposition, explosant en bagarre générale, installe directement le propos dans les yeux et les oreilles des spectateurs. L’incompréhension amène à la violence. Quelles sont les solutions ? Y en a t-il vraiment ? Ce sont les questions que le spectacle soulève, le but n’étant pas de trouver un dénouement mais d’engager le débat.

À ce stade de la création, la structure du spectacle est posée. Rythmiquement assez bien menés grâce à des jeux de lumière pertinents, les tableaux se suivent avec cependant, une trop grande linéarité. Dépouillé de tout décors, le plateau accueille nu les témoignages des trois comédiens. Seules trois boites blanches assez grandes pour s’y glisser à l’intérieur sont utilisées comme coffre à souvenirs, refuge réconfortant ou encore écran de projection. Trois personnages, trois boites et tout autant d’histoires à raconter, de peines à livrer et de refrains à chanter. Une touchante fresque humaine qui, malgré quelques passages beaucoup trop didactiques, dérange un public directement concerné. Dans ce spectacle, le politique surgit souvent là où on l’attendait le moins. Les scènes explicites qui utilisent des symboles forts comme les drapeaux ne sont pas forcément celles qui marqueront le plus. Tout au contraire, comme si le temps se suspendait, la scène de la mouette intensément jouée par la comédienne donne à entendre un double langage poétique et philosophique beaucoup plus intéressant scéniquement (le corporel est immédiatement valorisé) et tellement plus efficace.Une pièce à voir et à revoir tout au long de sa transformation mais surtout à débattre. En attendant la prochaine représentation, peuplons nos déserts de paroles.






jeudi 8 décembre 2011

Les frères esthètes

Le nouveau spectacle proposé ce week-end au centre culturel Tjibaou part d'un très beau projet. Celui de profiter de la venue d'immenses danseurs, de virtuoses du mouvements, des athlètes du saut de chat pour travailler avec Richard Digoué sur sa dernière création, Le Sacre du Printemps. L'échange est intéressant d'autant plus que l'un des danseurs, Gilles Porte est un enfant du Caillou. Les styles se mêlent, les danseurs aussi, les formes s'entrechoquent, tous les ingrédients sont réunis pour que Le sacre du printemps joué en 2012 pour le festival waan danse soit une petite merveille d'originalité et de maestria.
Cependant, on ne peut pas en dire autant des "âmes frères". Certes, la virtuosité s'impose comme s'impose à nous une vérité absolue. Les corps sont magnifiques, le mouvement est maitrisé à la perfection, on ne peut que rester admiratif d'une telle performance. Une heure de danse à ce rythme ! Peu de danseurs pourraient en faire autant. Julien Lestel, le chorégraphe et danseur de sa propre compagnie résume lui même son spectacle "Mon propos est d'emmener le spectateur vers une émotion suscitée par la gestuelle et de l'entraîner dans une dynamique où se côtoient puissance, sensualité et poésie mises en valeur par la technique virtuose des interprètes". En bref, une heure de mouvements très travaillés au service d'une esthétique de la perfection. Le propos des deux amis qui s'aiment et se soutiennent moralement et physiquement est du même ordre, il n'a d'intérêt que dans la complaisance d'une belle chorégraphie de couple.
Quelques éléments intéressants ont toutefois été soulevés comme ces tambours enivrants presque tribaux présents dans la première partie du spectacle qui font écho à un escalier psychédélique projeté en fond de scène et deux ou trois jeux de dédoublement, de visions étranges et d'amorces d'animaux imaginaires. Bribes de déformation du corps, de bizarreries humaines qui font la beauté et la profondeur d'un spectacle vivant. "Parce que le beau est toujours étonnant, il serait absurde de supposer que ce qui est étonnant est toujours beau" disait justement Charles Baudelaire.



jeudi 3 novembre 2011

Théâtre, la parole vit


Le Centre Culturel Tjibaou accueille ces 3, 4 et 5 novembre Port Sucré, une pièce de théâtre saillante et remontée qui met en lumière le manque évident de la palabre dans les moyens de résolution des conflits sociaux du territoire.

Pierre Gope navigue sur les eaux troubles du port. Et s’il y a une chose de sucrée dans cette affaire ce n’est certainement pas ce qu’on peut trouver sous ces eaux. Politique mensongère, tentions sociales, dialogues de sourds, manipulations et violence, voilà le véritable paysage calédonien. L’actualité en témoigne. Le dramaturge engagé choisit de mettre un doigt sur la situation et fait frapper les mains de ses personnages sur la table. « Palabrons ! » lance le syndicaliste. Et si le seul moyen de construire ce pays était de nous asseoir sur une natte pour parler, échanger mais surtout nous écouter ?

Avec ce texte virulent Pierre Gope propose au spectateur une véritable réflexion sur la situation sociale politique et économique du pays. Il lance des pistes, pique les opinions, réveille les consciences. Parsemée d’humour mordant, la pièce est également un moment de respiration où l’on peut enfin rire de nous même et de nos erreurs. Malgré un texte lourd à porter et quelques clichés inévitables, les quatre comédiens se débattent bien et rendent la lecture fluide et dynamique. Le dosage est intéressant au palais, une louche de revendication bien salée mélangée à l’espoir d’une parole sucrée, faites reposer le tout avec patience et observez…



vendredi 23 septembre 2011

Rhinoceros in love : la Chine dégouline



Le "théâtre" traditionnel chinois est une longue et dense épopée. C'est à travers les âges et les lieux que la Chine a su développer et pratiquer de nombreuses formes dramatiques . Du canjunxi ("farce") au zaju ("théâtre de variété") en passant par la forme la plus renommée le jingxi ("opéra de Pékin") chaque pratique a traditionnellement joué un rôle particulier dans la vie chinoise ; communiquer avec les esprits des ancêtres, ritualiser l'exercice du pouvoir politique, exprimer des sentiments (surtout amoureux) et encore réhausser les grandes occasions de la pratique sociale. Le "théâtre " chinois (occidentalement nommé ainsi) est très prolifique. Chaque année, on donne, sur la scène chinoise, des milliers de pièces nouvelles et anciennes empruntées à divers genres de théâtres. Ouf ! ça fait beaucoup tout ça mais en fin de compte c'est quoi le théâtre en Chine aujourd'hui ?
Dans un monde moderne où tout bouge constamment, comment définir une pratique artistique de manière figée et intangible ? Ainsi la mondialisation, le mélange des genres et des cultures et les melting pot se sont saisis à leur tour de l'art dramatique chinois pour y apporter de nouvelles formes et de nouveaux traits artistiques créant un théâtre chinois contemporain. Nous sommes au XXI ème siècle et les frontières artistiques et culturelles se sont toutes consumées. Toutes ? Difficile à savoir si l'on ne se trouve pas en Chine et que l'on ne voit pas de création mais justement ...
Rhinoceros in love fait partie de ce mouvement sismique. Programmé au Brisbane Festival 2011 le spectacle a été joué des centaines de fois et apprécié par des millier de personnes. Poussée par la curiosité j'ai pris mon ticket, me suis assise sur mon siège K1 et ai attendu patiemment le début du spectacle. Le gong a retenti fort et pénétrant. La pièce pouvait commencer.

L'histoire raconte l'insatiable lutte de Ma Lu, un jeune gardien de rhinocéros qui tombe amoureux d'une lunatique et inaccessible femme portant le doux nom de Ming Ming. A l'image de son désobéissant rhinocéros, Ma lu se montre insoumis face à une société aux codes trop contraignants pour lui et se laisse perdre dans sa quête utopique du vrai amour.
Derrière la romance sont abordés des messages tels le pouvoir de la volonté, la question de la relation à l'autre, l'enfermement et la soumission, l'aliénation par l'argent, l'assèchement de la société de toute valeur humaine, l'étiolement de l'amour, etc, etc, autant de sujets triste et douloureux que le protagoniste se charge bien de décrier tout au long du spectacle. Plaintes, cris, pleurs et j'en passe, tout est bon pour suggérer sa peine, dévoiler sa hargne, révéler sa douleurs, montrer, démontrer et remontrer encore. Pas subtile subtile comme jeu. Les corps sont mous, aucune présence, à se demander si la danse et les acrobaties traditionnellement utilisées ont un jour existé. Les techniques se rapprochent des techniques occidentales d'un théâtre bien classique; jeu face public, déclamations, déplacements restreints. Malgré tout on peut ressentir la volonté d'une modernisation palpable. Le décor est minimaliste, seules quelques chaises, deux lits, des carrés en fer suspendu en l'air, une esthétique assez dépourvue et essentiellement quadrangulaire. Un bel espace pour faire ricocher l'amour et ses violences mais malheureusement pas suffisamment exploité. Les chansons utilisées sont niaises, les sentiments dégoulinent, tartines de pathos sur complainte à l'eau de rose, j'avoue avoir baillé. Sans parler des costumes dépareillés sans réelle cohésion sortis tout droit des placards des comédiens. Mais où suis-je ? est ce que j'ai loupé quelque chose ? Pourquoi est ce que je ne comprends pas le succès de cette pièce en Chine ?
Et voilà que cette question surgie à nouveau : les frontières artistiques et culturelles se sont elles toutes consumées ? Oui, la réponse est oui ou en tout les cas, ces frontières sont nettement moins définies. Cependant notre culture est bien la nôtre et les codes culturels qui nous on nourris et bercés toute notre vie nous collent bien fort à la peau. Assuré 100% adhésif ! Et soudain je comprends, il me manque une clé, une approche, une ouverture peut-être, un autre regard, une sensibilité que je n'ai pas. Dans nos ressemblances nous restons différents et c'est là tout l'intérêt de voir cette pièce. Et lorsque une pluie torrentielle s'abat sur le pauvre Ma Lou effondré d'amour, l'eau inonde le plateau, le comédien peine à dire ses répliques en s'étouffant avec les litres de pluie qui lui tombe dessus et je ne peux empêcher ce petit rire nerveux sortir de ma bouche, cette infime ironie à la fois douce et sage ... ça dégouline quand même beaucoup.

mardi 13 septembre 2011

Emergence


La baie des dames

La danse des âmes du bagnes

Le bagne en Nouvelle Calédonie c'est l'histoire d'hommes et de femmes condamnés et répudiés jusqu'au bout du monde. Crimes, vols, révolte ou insoumission peut importe, la solution pour s'en débarrasser est simple et radicale ; un exil, un arrachement, une expatriation si lointaine qu'aucune des racines de ces hommes et femmes ne pouvaient survivre, noyées déjà bien avant la fin de l'océan. Comment poursuivre leur vie de forçat banni du pays qui les a vu grandir ? Tout espoir d'un retour est l'illusion d'un condamné à mort espérant l'absolution.
La baie des dames raconte ce déracinement et la souffrance de 8 femmes bagnards de l'année 1874. A travers les différents tableaux, le spectateur découvre le quotidien des détenues. Leur peine est mise à nue. Des corps s'échappent des cris de rage et l'on ne peut que ressentir et toucher des yeux les restes de douceur et de sensualité exaltées par la douleur.
Les chorégraphies sont pleines d'originalités. Les danseuses jouent avec les expressions, passant du rire au drame et de la complicité à la solitude. Leur générosité apporte une fraicheur au spectacle. La scène de couture figurée par un ruban de bolduc rouge est délicieuse et offre un visuel pertinent. L'aspect figuratif n'enlise pas pour autant la contemporanéité du spectacle. Les images sont donc bien travaillées, notamment grâce aux robes simples, fluides et tellement efficaces mais aussi grâce à la création lumière de qualité encore signée Lo-Amy qui dévoile de nouveaux son goût pour un univers ambré (cf Shok?!).
S'il y avait un "mais" à cette création, et il y en a toujours un... le nombre important des danseuses met en valeur certaines scènes mais en dessert d'autres surtout lorsque le niveau des interprètes n'est pas équilibré ce qui est le cas ici. Le final laisse dubitatif. Une des danseuse s'éloigne peu à peu du groupe et finit par traverser l'avant scène enroulée dans un voile de marié ... une autre forme d'emprisonnement ?



La femme Océan

Du mot au corps

Les corps à fleur de peau et les sens en émois, voilà les deux approches que nous proposent la compagnie Origine et la compagnie de théâtre Cris pour habiter Exils dans ce spectacle inspiré de textes de Marguerite Duras.
L'amour passionnel et "immoral" auquel s'abandonnait la grande écrivaine est retranscrit par des danses sensuelles et notamment un tango que le spectateur découvre sur un grand écran en fond de scène. Ces images sont d'un kitch frôlant le mauvais goût ; les couleurs sont criardes et au delà de la performance sertes réussie l'ensemble de la chorégraphie est bien niaise. Fort heureusement ce premier tableau n'est pas représentatif du reste du spectacle et l'on découvre peut à peut les pièces d'un intéressant puzzle qui trouve sa véritable forme dans la recherche contemporaine.
Ainsi les tableaux se suivent et se mêlent avec comme fil conducteur les dialogues du film Hiroshima mon amour. Les extraits musicaux sont bien choisis et soulignent judicieusement les voix et les images projetées sans cesse sur l'écran. La mise en scène est très bien soignée. Rien à dire sur le rythme non plus qui alterne moments dansés, vidéo, pause avec tempo et justesse. Un travail dans l'ensemble bien mené mais qui pâtis tout de même de quelques maladresses visuelles.
Marguerite Duras aborde les thèmes qui croisent sa vie et sa plume. L'amour, la guerre, les océans qu'elle a traversé et qui sont en elle ... La puissance de ses mots résonnent encore et toujours plus fort. La danse impulse ces mots et nous invite à (re)découvrir l'oeuvre et la profondeur de cette femme océan.

A voir au centre culturel Tjibaou le Jeudi 15, vendredi 16 et samedi 17 septembre à 20h, salle Sisia.